Bernat et la goutte de lumière.

Bernat et la goutte de lumière.

Une douceur étrange enlaçait le manteau blanc. Depuis quelques jours, Bernat, se désespérait d'une fonte inhabituelle.

Il contemplait avec une certaine nostalgie une goutte d'eau glissant le long d'une chandelle, sa pensée elle aussi se mit au devoir de la gravité.

Une certaine tristesse l'accompagnait dans cette descente interminable et dans la chute qui suivrait sans recours, sans secours.

C'était fatal !

Il ne pouvait rien y changer, inexorablement, sans aucune issue possible, il allait au naufrage. Alors que ses yeux commençaient à s'embrumer, et qu'il se sentait aspiré vers le fond, le vent se leva.

C'était un souffle subtil et qui se renforçait au rythme d'une respiration naturelle.

La goutte sembla suspendre sa progression. Un rayon vint l'illuminer d'une teinte dorée. Elle remontait à présent contre la glace translucide comme attirée par sa suivante. Elle la rattrapa et elles fusionnèrent. Plus importante, elle reprit sa course contre le vent et descendit. Mais le souffle forcissait et cette grosse goutte dorée s'étirait à présent en nuances mêlées d'argent.

Une lutte s'engageait et Bernat en connaissait l'issue.

Alors tendant le bras, il fit doucement glisser son doigt contre la glace luisante. Il recueillit le nectar voué à la perdition. Maintenant cette perle rosissait et courrait sur la paume de sa main. Lorsque sa tension se relâcherait elle s'étalerait et puis elle s'évaporerait soumise à la chaleur de sa pogne.

L'idée lui parut stupide, mais il ne put y résister. Alors qu'elle brillait au feu d'un soleil resplendissant il leva sa main à hauteur de ses yeux. Elle reflétait une image translucide du monde environnant. Tout devenait plus clair. Il l'amena près de sa grande bouche gourmande et il lui serina son tourment. Doucement, elle tremblait, frissonnait à chaque mot. Inspirant un peu plus fort, la goutte s'envola et plongea dans son palais.

La fraîcheur qui explosa dans sa tête dégagea une lumière intense.

Puis, descendant au plus profond de son âme, elle irradia son coeur.

Un souffle nouveau parut alors le rajeunir. Tout son être devenait lumineux.

Ses yeux s'ouvrirent sur un ciel totalement dégagé. IL respirait de concert avec le vent. Chaque rafale accompagnait le mouvement de sa poitrine. Il vivait l'instant, l'instant était en lui. Pour la première fois depuis une éternité, Bernat était heureux.

Lorsque la lumière finit de se dissiper et que les heures sombres sonnèrent à la grande horloge, le bienfait se tarit. Bernat enjamba le parapet et la goutte de lumière poursuivit sa chute inexorable. Il le savait, c'était fatal et il n'y avait rien à faire...

Gilles.