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Dissidences Pyrénéennes.

Infos,patrimoine, politique locale, environnement,

Le vieux moulin.

Le vieux moulin.

 

Prés du Roc Mercadal, sur un sentier qui se perd, git une roche circulaire et percée. Plus d'un y est passé sans lui accorder le moindre regard. Pourtant !

C'est bien la main de l'homme qui l'a façonnée. L'apprenti qui autrefois l'avait dégrossi n'est plus de ce monde d'aujourd'hui. Cette meule abandonnée parle du temps et son centre évidé révèle un passage secret.

Si d'aventure vous la trouviez, pausez vous un moment pour retrouver le son du maillet et celui du ciseau qui dépouille les aspérités...

Relevant la tête vers le ciel immense, laissez vos pensées suivre le chemin du vent, bordé de quelques nuages blancs.

Mai 2012 patates 002

De la pierre au moulin, vos pas imaginaires trouveront l'itinéraire.

Sur le plateau ouvert devant vous, se cachent les vestiges d'ouvrages si utiles, qu'en leur sein sommeille un cœur autrefois bien vaillant, qui donnait la force du torrent sur le blé ou le seigle pour le pain quotidien.

Il en était pour bien d'autres usages que de produire la farine des hommes et le son des cochons.

Or, donc, le long de l'Aude aimante, se dressaient des moulins et leurs roues à aube étaient souvent servies par des canaux en bois amenant renfort d'eau des ruisseaux adjacents.

Celui dont je viens vous parler entrainait de grandes roues de bois chevillées, faisant aller une lame de scie et quelques autres outils.

Cet atelier antique travaillait force et talent de quelques ouvriers qui parfois résidaient dans les villages avoisinants.

La mécanique, régulée par le flot maîtrisé, donnait au temps le cycle d'un rythme ponctué par le jeu des outils et des nodosités cahotant le mouvement de sonorités si humaines.

juin 2012 pont du Galbe 005

La scie allait et venait, soulevant dans les airs une fine sciure et son parfum résiné de bois surchauffé par le passage de la lame affutée.

Les planches s'empilaient au soleil, alternant les espaces de tasseaux, aérant le matériau bien vivant.

Sur les rudes mains des hommes la résine se collait, si peu que le bois fut trop jeune ou même peu mouillé. Seule la salive en venait à bout. Dans le bâtiment, peu de paroles pour l'économiser.

Les charrettes venaient, attelées sur quelques paires de gasconnes aux robes argentées. Si les grumes se trainaient par des chaines forgées, la volige roulait vers de nouvelles toitures ou même quelque atelier de menuisier un temps soit peu ébéniste. Une fois rabotées, elles seraient un lit ou peut être un buffet. Les couleurs du soleil étalées du jaune à l'orangé, peu à peu se faneraient sous la patine cirée et la main des femmes de maison.

Les grandes poutres étaient rares et souvent elles restaient longtemps à sécher à l'ombre dans le grenier avant d'être taillées. Les familles en prévoyaient l'usage d'une génération pour la suivante. La continuité de l'ouvrage prolongeait l'alternance des hommes.

Ceux qui venaient de nuit pour travailler le bois, ne s'aventuraient sur les chemins que munis d'un fanal pour éloigner les loups qui souvent les suivaient et d'un bâton ferré qu'on appelait "bourdó". Une boule pesante enchâssée au sommet dissuadait les mauvaises pensées tant des animaux que de quelques rôdeurs en quête de la paye si durement gagnée.

Un moulin a un cœur qui ronronne et une âme qui transpire. La pierre qui broie le grain, la masse qui frappe le minerai, la lame qui trace son sillon de sciure sur le sol de galets ne sont plus que les réminiscences d'un passé disparu. Délabrés et en ruines, ces témoins de l'ingéniosité humaine, mériteraient pourtant un entretien récent. Ici git le passé d'un travail utile par des mains expertes aujourd'hui disparues.

Du ronronnement du moulin à celui des remontées mécaniques seule la roue persiste. Si la rouille se pose sur les pylônes et sur les pensées, que la ronde du temps efface les traces du passage des hommes, sachons nous souvenir qu'au delà de l'outil persiste la volonté, le courage et les qualités en chacun, qui ne demandent qu'à être exhumées.

Sur le passé se cultive le chemin que le futur ne demande qu'à suivre.

Mais, je vois que le froid de la meule sur laquelle vous vous êtes assis vous ramène sur le sentier sylvestre d'une belle randonnée.

L'odeur de l'humus qui monte du sol aura t' il suscité le parfum d'autres mondes surgissant de l'orifice creusé par un apprenti oublié ?

Sur le retour au quotidien restera t' il dans vos poches un peu de farine ou même un copeau d'histoire ?

Vos pas, qui s'effacent déjà sur le sentier, vous ramèneront ici bas sans difficulté. Lorsque vous serez loin du pays laborieux, la perle de sueur qui glisse à vôtre tempe saura certainement parler à vôtre oreille de la montée d'oxygène qui vous a enivré. Alors par la pause qui s'impose, le temps d'une pensée, puissiez vous retrouver l'inverse du chemin qui vous a éloignés.

Faute du vent de Pyrène, retrouvez un conte léger et sous la « clim » qui ronronne, le moulin oublié.

 

Gilles.

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